vendredi 18 mars 2011

1ère partie : Le choc et le départ.

J'avais à peine 22 ans quand j'ai eu mon diplôme d'ingénieur en Génie Mécanique de l'école polytechnique d'Alger. J'étais très heureux de voir, entre mes mains, le fruit de 5 ans d'études. 5 ans de misère. 5 ans de stress. 5 ans de somnolence. Au cours de mon cursus à polytech' (comme on l'appelait toujours), je rêvais d'un avenir promettant. Je me disais : « Quelle chance d'être un polytechnicien, je vais, sûrement, être sollicité par des grandes entreprises ».



Je faisais chaque jour un trajet de 4 heures d'aller-retour... Oui 4 heures de bus. Je me réveillais à 5h du matin pour prendre mon bus à 6h pour être à l'école à 8h. L'après midi, de même, je prend le bus à 17h pour être à 19h chez moi. Ils y avaient toujours des devoirs de maison, des projets, des exercices à préparer. Pour un polytechnicien, rentrer chez soi, ce n'est pas du tout le repos. On avait que les 2 mois de l'été pour se reposer. Et encore, il faut trouver un job étudiant, pendant cette période, pour qu'on puisse épargner nos parents des frais de subsistance et de transport pendant toute l'année.



Malgré tout, je supportais cette misère. Je me disais : « Ce n'est pas grave. Dés que j'aurai mon diplôme, je serai immédiatement recruté ». Un rêve qui va devenir un cauchemar.

Je commençais à rédiger mon CV et mes demandes de recrutement tout en fouillant, en parallèle, quelques journaux afin de trouver des offres d'emploi. Je me souviens bien que j'avais une liste sur moi de toutes les entreprises qui se situent à Alger avec leurs adresses et leurs numéros de téléphone (Fax, éventuellement). Pendant 3 mois de recherche d'emploi, j'ai vécu l'inimaginable.



Tu te fais bousculer par un agent d'entreprise, qui n'a aucun niveau, dés que tu demande de voir le DRH (directeur des ressources humaines) en prétendant qu'il est occupé et que tu n'as pas le droit de vérifier si c'est vrai. Tu laisses donc ton CV chez le soi disant « agent de sécurité » afin d'espérer qu'il le transmet aux concernés. Et ce n'est pas vrai, je vous assure. Ton pauvre CV ne verra jamais le DRH, pour des raisons que vous connaissiez bien sûr et qu'ils n'existent que dans les pays du tiers monde.



Le meilleur des cas c'est quand tu décroches un RDV pour un entretien d'embauche. T'arrives le jour j pour entretenir avec la personne qui est censée de recruter, la première des choses qu'elle te demande c'est la maudite « carte du service national » ou c'est ce qu'on appelle la « carte jaune ». Ce document qui a fait fuir beaucoup d'algériens de leur pays. Ce papier qui est la principale cause du taux de chômage si élevé. On préfère quitter le pays que de l'obtenir. Il s'agit d'un  de papier qui te coûte 18 mois (de service militaire) de ta vie pour rien. Oui il ne te servi à rien, alors que tu dois l'avoir pour travailler, sinon tu n'es plus citoyen...

Pour ma part, pendant ces 3 mois, j'ai décroché un seul entretien. C'était avec la société SNTF (Société nationale des transports ferroviaires) l'équivalent de la SNCF en France. Bien sûr après qu'on m'a demandé la carte jaune que je ne l'avais pas, ils avaient accepté mon sursis qui va expirer dans 4 mois. On passe à la deuxième étape de bureaucratie à savoir une dizaine de papiers qui ne serviront à rien, genre : « certificat de la bonne santé mentale » délivré par un psychiatre. Je vous jure c'est ce qui m'a demandé le service de DRH. Voilà, on traite les cadres comme des fous, pour vous montrer à quel point on stigmatise cette catégorie de la société considérée « cultivée ».



Une fois complété, le dossier a été déposé. J'étais convoqué pour une autre réunion afin de fixer mon salaire. Et là, j'apprends que je serai payé 12 000 DA, l'équivalent de 120 €. Oui 120 €. C'est drôle comme blague, mais malheureusement c'était vrai. « Écoutez! Vous vous foutez d'ma gueule ou quoi?» criais-je, « Je suis un ingénieur quand même ». On me répond que puisque je n'avais pas la carte jaune, je n'ai aucun droit à un salaire complet soit en moyenne : 40 000 DA = 400€. Je sentais ma rage monter, alors il fallait bien que je sors pour ne pas commettre un crime (j'exagère bien sûr).



A ce moment là, j'appelais un ami qui, lui, a choisi de partir en France juste après la soutenance. Sûrement, vous avez deviné. Je lui demandais de m'expliquer toute la démarche à faire pour aller en France et continuer mes études. Peu importe, l'essentiel que je ne reste pas ici sinon je deviens cette fois-ci vraiment un fou.

Vite fait je note sur un bout de papier la procédure suivante :
  1. Chercher sur internet les sites des universités en France, les formulaires d'inscription en Master 2, les délais...etc.;
  2. Préparer le dossier et l'envoyer à l'adresse demandée;
  3. Une fois accepté, aller à la CCF (centre culturel français) pour un entretien (heureusement j'avais mon TCF sur moi);
  4. Une fois admis, préparer le dossier du visa.

2 mois et tout est réglé. J'attendais juste la réponse de l'ambassade de France pour m'apporter la bonne nouvelle.



Mercredi le 9 Octobre 2008, il est 15h30, je faisais ma sieste. Du coup, mon portable sonne. Je regardais pour savoir qui m'appelle. Le portable m'affiche « numéro secret ». Je répond, et, à ce moment là, j'apprends que j'ai eu mon visa. Eureka! mais quelle joie que je ne peux pas vous la décrire. Bref, je partais vite à l'agence Air algérie la plus proche de chez moi. J'achetais mon billet d'avion « sans retour ». 6 jours me suffisaient pour préparer mes bagages, dire au revoir à mes amis et surtout pour avoir suffisamment d'argents pour payer les inscriptions universitaires, mon loyer en France ...etc. le temps de trouver un job étudiant.

Le 16 Octobre 2008 je m'en vole laissant derrière moi 22 ans de vie, de souvenirs, de gens que j'aime et qui m'aiment, mes parents, ma mère surtout. C'est difficile mais qu'est ce que je peux faire d'autre... J'évitais de voir la ville blanche Alger depuis la petite fenêtre de l'avion... Je préférais fermer les yeux que de me voir éloigné de ma ville natale. Je verse une petite larme pour exprimer ce que j'avais comme amour à cette ville.


Prochainement, la suite de mon récit.

4 commentaires:

À 5 avril 2011 à 01:16 , Anonymous Anonyme a dit...

Bonjour
Vous êtes de quelle promo ?
Si je peux me permettre, par rapport à la conversion dinar /euro. Sachant qu'un ingénieur peut gagner en moyenne 8000 euros en France, pensez-vous qu'il faut convertir ce salaire en dinars pour les algériens ? cela ferait 800 000 dinars mensuels.

 
À 12 avril 2011 à 02:54 , Anonymous Anonyme a dit...

Bonjour,
Je me reconnais bien dans certain situations que tu vines de citer,franchement on galère trop pour trouver un emploi en Algerie.
Personnellement , je pense que j'ai fais tant d'entretiens au point que je connais presque tous les coins d'Alger. Et le malheur même après avoir trouvé,les conditions de travail t'oblige à quitter (un salaire révoltant,pas d'assurance...)
Bref je pense que tu as bien fais ,à part ta famille que tu laisses deriere,pas de regret.
Pulse de FA.

 
À 26 juillet 2011 à 23:15 , Anonymous Anonyme a dit...

bonjour,

et oui ceci est le problème de tous les diplômés en Algérie, nous étudions durement et en contre partie; salaire démotivant, aucune reconnaissance, acharnement au travail, et j'en passe! malheuresusement le systeme de management en Algérie a beaucoup à apprendre, éspérant que les futurs managers"comme moi" puissent prendre le relai et améliorer cette situation .. mais ce n'est pas prêt d'arriver demain !

 
À 18 décembre 2011 à 07:56 , Anonymous Anonyme a dit...

Moi aussi je suis politeknissien, je suis parti avant les évènements de la décennie noire. A cette époque on trouvait facilement du boulot car les plantons n'avaient pas encore leur Magister mais les médiocres étaient toujours aux responsabilités. Quand j'ai su que l'aérogare internationale où je travaillais comme ingénieur civil était achevée(en partie), j'ai cru un moment au miracle algérien..Oh que non, des chinois sont passés par là et le boulot est bien fini et avec toujours les mêmes médiocres aux affaires(dieu merci avec un coût du brut un peu élevé). Je me reconnais dans ce journal qui m'a fait revenir plus de 20 ans en arrière. Je reviens chaque année dans mon pays que j'aime beaucoup mais mon bonheur est ailleurs. Krimo.

 

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